Récréation : Contes et Poésies... | |
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Gazette N°8 - 20 février 2002 Petit conte du vieux chêne Marie Henriette et Eric Quettier nous ont envoyé ce conte accompagné de ce petit mot : Nous sommes "tombés en amour" comme disent les Canadiens, devant ce petit coin de paradou que sont la région et le village de Villedieu. La clarté, lumineuse, la chaleur, intense, le calme, ponctué par les cigales, et le vieux chêne du quartier Saint Laurent sont source d'inspiration. Voici, pour vous, un petit conte d'une "estrangère”. J'espère qu'il vous plaira. Nous avons demandé à Julien Moinault d’illustrer ce conte et il nous a fait deux croquis. Les familiers de Saint Laurent reconnaîtront la maison et peut-être le chêne dont il est question : il s’agit de la "maison de Sarah" pour les vieux Villadéens, rebaptisée "maison de Mayaric" par les nouveaux propriétaires. Pour Zoé en vacances... Au-delà des vignes s’étendait le paysage. Les collines, arrondissant leur dos pour recevoir toutes les gouttes de soleil, s’étalaient, langoureuses. Les chemins étaient battus par des générations de paysans qui avaient aimé ce sol où poussaient, en rangs disciplinés et dociles, les fruits de la terre. Les arbres, mûris par les abricots, se taillent depuis toujours en mains ouvertes, accueillantes et généreuses. Au-delà du paysage s’étendaient encore les vignes. L’azur s’y marie au soleil pour donner ces rubis gorgés des entrailles de la terre ; chaque caillou est une opaline sortie des profondeurs pour chauffer les pieds des vieilles vignes qui donnent alors le meilleur d’elles-mêmes. Le porche ouvert laissait entrer le paysage. C’était une ouverture dans le ciel qu’on faisait tôt le matin, pour découvrir, à chaque fois, ce même émerveillement : le village au loin, avec sa tour carrée et crénelée, les quelques maisons vieilles accroupies dans un cercle de ragots et de légendes. On savait que là, sur la place, près de la fontaine et des platanes, les siècles avaient bavardé et fait la causette. Y résonnent encore les siestes feintes où l’on surveille du coin de l’œil les allées, les venues, et où se discutent les entrelacs et les disputes de tout ce petit monde qui a ses racines dans la terre de ses aïeux. Zoé, elle, venait d’ailleurs. Elle était belle comme un cadeau. Avec ses joues rosies et ses yeux en amande, elle découvrait avec bonheur, partant à l’aventure dans le cœur des gens et des choses. On ne pouvait pas lui résister. Fine comme une souricette, elle parvenait à se faufiler même dans les âmes les plus fermées. Elle y laissait alors sa trace, comme un rayon de soleil. Le porche était ouvert : le paysage y entra. Ce fut pour elle un éblouissement. La nature entière se mit à sa taille, elle put ainsi apprendre les vignes et chanter les cigales. Même la fourmi, si peu encline à ouvrir sa porte aux autres, se laissa charmer par Zoé qui discuta avec elle de la bise et du temps chaud. Seul, le vieil arbre se découpa sur le ciel, au loin, solitaire. Zoé s’étonna. Pourquoi était-il tout seul ? Pourquoi n’était-il pas entré avec les autres ? Pourquoi différait-il tellement ? Il était vieux, majestueux, étalait ses branches en rameaux multiples. Serait-il orgueilleux ? Zoé petite curieuse voulait savoir. - Dis, comment t’appelles-tu ? lui demanda-t-elle de loin. - ... - Ho, hé, comment tu t’appelles ? cria-t-elle plus fort. - ... Elle s’approcha de l’arbre. Il était immense, mais ne faisait aucune ombre. Le vieux n’avait plus ses feuilles. - Je comprends, lui dit-elle, tu n’entends plus ! Elle s’assit sur une racine et réfléchit. Comment pouvait-on communiquer avec un arbre qui n’entend pas la brise dans ses feuilles, qui ne sent plus la rosée du matin, qui ne capte plus le soleil, qui ne change pas ses couleurs à l’automne, qui n’a plus son épais feuillage pour se protéger et protéger les autres ? Il était là, dans le paysage, comme un arbre mort, alors que tous les autres autour de lui bruissaient de mille chahuts. En hiver, oui, ils étaient comme lui, mais ils dormaient dans le sommeil engourdi de la nature et se refaisaient une santé. Tandis que lui, c’était toute l’année qu’il était ainsi. Dur de la feuille, disaient les uns ; bois mort, disaient les autres qui voulaient l’envoyer au bûcher. Zoé le trouvait beau cependant, et surtout unique dans ce paysage luxuriant. Elle essaya encore de lui parler. C’est vrai qu’il n’entendait plus, mais il devait en avoir des choses à dire ! Il était si vieux. Zoé en fit son arbre confident. Elle prit l’habitude, chaque jour, dès qu’on ouvrait le porche, de le rejoindre pour lui raconter ses rêves et ses secrets : ils resteraient secrets avec lui. Fine comme une souricette, elle se fit un petit nid au creux de ses branches et pouvait passer des heures à regarder le ciel, à écouter les cigales. Le vieil arbre se laissa apprivoiser tout en douceur. D’abord, il n’osa pas en croire tous ses yeux, ne bougea pas de peur de voir son rêve s’évanouir : Zoé, belle comme un cadeau, l’avait choisi lui ! Il se laissa enchanter par le gazouillis de la fillette, creusa davantage ses branches, se cambra, se laissa recouvrir d’une belle mousse verte toute douillette. Puis, un jour, de sa voix profonde qui venait de son cœur, sans la brusquer, il lui raconta son histoire. Zoé n’en fut pas troublée, elle savait qu’elle le toucherait et qu’il finirait par craquer et se raconter. Il était vieux, il en avait vu des choses dans ses deux siècles d’existence. Il lui raconta les gens et les saisons, la chaleur et l’incandescence de l’été, les folies de mistral, et le gros orage qui avait fait tant de dégâts. Il lui parla de légendes anciennes, de traditions, de superstitions. Il évoqua la construction de la chapelle des vignes, les processions et tous les serments qui s’y étaient faits et dont il était témoin. Il lui fit reconnaître les effluves dans le vent chaud, ceux citronnés du thym sauvage, suaves de l’abricot orangé, subtils de l’acacia en fleurs butiné par les abeilles ; ceux des vignes dorées par l’automne et gorgées du soleil d’été, ceux colorés de lavande. Il évoqua aussi avec nostalgie ses souvenirs de canicule et d’ombre, le temps de sa splendeur, et son feuillage si dense même au plus fort des étés. Depuis, Zoé a grandi. Chaque année elle est revenue auprès de son vieux chêne. On ne l’a pas coupé et il lui raconte toujours autant d’histoires. Même plus, car les enfants du village y ont fait leur cabane, leurs rendez-vous de pirates, leur refuge de petites canailles, leur abri de chagrins. Le vieux centenaire bruit à présent de jeux d’enfants, de rires et d’amusements. Le porche est toujours ouvert, l’arbre s’y dresse, fier et majestueux. Heureux, il revit. ![]() ![]() |
Croquis réalisés par Julien Moinault ![]() ![]() Cliquez sur les croquis pour les agrandir |
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Gazette N°19 - 14 septembre 2003 Gazouillis Cest une claire fontaine, qui chante nuit et jour les cigales et le soleil, réconfortante, apaisante. Eau de vie dans la torpeur de lété. Eau de roche, rafraîchie dans lombre de la terre, elle court, généreuse et discrète, à travers bois et futaies, désaltérant à son passage secret les pieds des vignes et des oliviers. Eau douce, blanche et pure, elle se rassemble en fontaines, de place en place, à lombre des platanes. Cest là, au milieu des villages, quelle se mélange au pastis, quelle se mêle aux conversations publiques et aux rires ensoleillés. Cest là, près des cercles de tables quelle entend les potins, amusée. Une fontaine est bruyante de ces histoires quelle colporte au fil de leau, à fleur de transparence. Cest là, autour de ces jets, que séclabousse en cascade la mémoire des générations, toujours recommencées. Gazouillis Maya Quettier
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Gazette N°22 - 24 décembre 2003 Le distributeur de La Gazette
Cette
sombre clarté qui tombe des étoiles
permet d'y voir assez pour livrer le journal car sachez qu'ils sont là, chacun à sa fenêtre attendant, impatients, d'ouvrir la boîte aux lettres et lire avidement les brèves, les nouvelles, les articles de fond, lhistoire des poubelles, découvrir le gagnant de la soupe aux bolets ou celui très brillant du tir au pistolet, la recette du pistou, les très anciens métiers, les dates du loto et le vin de l'année. Toutes ces pages enfin, et c'est là notre vu, font découvrir le monde aux gens de Villedieu. Dites-moi je vous prie, de quoi parlez-vous donc quelle est cette revue et quel en est le nom ? Comment vous ne savez ? mon Dieu, mais est-ce bête ce célèbre journal, Monsieur, c'est LA GAZETTE. Le distributeur de La Gazette
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Gazette N°26 - 11 juillet 2004 Conte
Sur une bague d'argent, j'ai ce conte d'enfant.
Au bord d'une rivière un peintre est installé son chevalet posé. A ses pieds est tombée une huppe blessée. Sitôt il la ramasse, la caresse et l'embrasse et soigne vite son aile, tu seras bien plus belle. Bientôt il la dessine et que devient-elle, devine ? Elle s'envole Une légende de ces vers est née en Angleterre. Colette Percheron
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Gazette N°30 - 20 avril 2005 Primevère (par Colette Percheron) par 0,1°C
Au loto du 24 février
Au club des aînés Pendant le goûter Même les perdants ont gagné Une primevère colorée Que Madame Ode Arlette avait apportée. Qu’elle en soit remerciée. Tout s’est très bien passé ; Malgré quelques absents très regrettés. ![]() ![]() |
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Gazette N°46 - 5 juin 2007 Coquinerie [ par Paule Gillet ]
Tout le monde connaît les fables de Jean de la Fontaine, célèbre poète du XVIIe siècle.
Mais savez-vous qu'il est aussi l'auteur d'un grand nombre de contes que je qualifierais de « coquins » ? En ces temps de mai où les amoureux désirent convoler en justes noces1, je vous propose la lecture de ce petit conte : Colin
Colin, faisant préparer sa Maison Pour recevoir son Epousée, Trouva sa Servante Alison, Au plaisir de l'Amour fortement disposée. Sans perdre le temps à songer, Il se servit de l'heure du Berger, Et commençoit l'amoureux badinage. Quand sa mere, arrivant, le surprit sur le fait, Et lui dit : « Insolent ! Ce soir, à ton souhait, N'auras-tu pas un joli pucelage ? Colin sans s'étonner dit « Mere, tout beau ! Ne vous mettez pas en colére… Je ne gâte point le mistére : J'aiguise seulement pour ce soir mon couteau. » Ce texte original de Monsieur de la Fontaine, est écrit dans l'orthographe de l'époque. Le livre du bibliophile, Georges Briffaut, Editeur. Paris. Illustrations de Paul-Émile Bécat. Année de parution : 15 février 1929. 1. Notre ami Jacques Sals, ancien Buissonnais, actuel Saint-Marcellien et de surcroît, lecteur de La Gazette, a eu justement l'idée de « s'épousailler » avec Marie Bellanger, estrangère de Mérindol-les-Oliviers, le 19 mai de cette année. Il s'y retrouvera peut-être… Quoi qu'il en soit, hommage leur est rendu… |
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Gros mot odorant [ par Bernadette Croon ]
Les premiers mots que l'on apprend dans une langue étrangère sont souvent des gros mots... À ce propos, connaissez-vous l'origine du mot anglais « Shit » que nous aurons la décence de ne pas traduire ici ?
Un peu d'histoire... Au XVIe et XVIIe siècle le fumier était un commerce. Il fallait donc le transporter par tous les moyens et entre autre, le bateau. Pour que le poids ne soit pas trop excessif, on le séchait. Une fois stocké dans le bateau il fallait faire attention que ce fumier ne prenne pas l'eau, parce qu'en milieu humide, il dégage du gaz méthane qui s'enflamme à la moindre étincelle. Certains bateaux en ont fait la triste expérience. Pour éviter cet inconvénient le fumier devait être stocké en hauteur... Ce qui se dit en anglais : « Stock hight in transport ». Remercions monsieur Roman Tomzak pour cette information linguistique. ![]() ![]() |
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Gazette N°47 - 16 juillet 2007 Deux poèmes de Jean Tardieu
Le tombeau de Monsieur Monsieur
Dans un silence épais Monsieur et Monsieur parlent c'est comme si Personne et Rien dialoguait. L'un dit : Quand vient la mort pour chacun d'entre nous c'est comme si personne n'avait jamais été. Aussitôt disparu qui vous dit que je fus ? Monsieur, répond Monsieur, plus loin que vous j'irai : aujourd'hui ou jamais je ne sais si j'étais. Le temps marche si vite qu'au moment où je parle (indicatif-présent) je ne suis déjà plus ce que j'étais avant. Si je parle au passé ce n'est pas même assez il faudrait je le sens l'indicatif-néant. C'est vrai, reprend Monsieur, sur ce mode inconnu je conterai ma vie notre vie à tous deux : A nous les souvenirs ! Nous ne sommes pas nés nous n'avons pas grandi nous n'avons pas rêvé nous n'avons pas dormi nous n'avons pas mangé nous n'avons pas aimé. Nous ne sommes personne et rien n'est arrivé. La môme néant Quoi qu'a dit ? - A dit rin. Quoi qu'a fait ? - A fait rin. A quoi qu'a pense ? - A pense à rin. Pourquoi qu'a dit rin ? Pourquoi qu'a fait rin ? Pourquoi qu'a pense à rin ? A' xiste pas. ![]() ![]() |
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Gazette N°49 - 25 septembre 2007 Le tilleul villadéen de trois cents ans [ par Olivier « Serpent » Vivancos ]
Que cette aire de jeu est belle
Elle nous donne envie Toutes comme des passerelles Les branches s’étirent à l’infini Que cette aire de jeu me plait Tant de verts différents La lumière et le bleu cachés Spectacle fascinant Que cette aire de jeu m’interpelle Les racines sous moi s’accrochaient Me donnent l’impression frêle D’avoir un arbre sous mes pieds Que cette aire de jeu est mystique Un fort tronc au milieu Ressemble à l’axe artistique D’un diabolo ingénieux Que cette aire de jeu est créatrice De bonheur, de chaleur, de papier L’encre de chine y glisse Pour quelques vers, une pensée. Que cette aire de jeu m’excite Quand tu y apparais Dans ta bouche un song en ite Résonne parfois quand tu viens m’aimer Que cette aire de jeu se rappelle Après moi le passé Que cette aire de jeu est cruelle Trois cents ans de liberté ![]() ![]() |
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Gazette N°52 - 15 février 2008 Écoute le vent
La Gazette remercie « Moune » et Pierre Joubert de lui avoir confié plusieurs documents hérités de Clémentine. Après Le Vigneron publié dans un précédent numéro, voici un nouveau poème.
Écoute le vent qui court dans la plaine
Emportant au loin nos secrètes peines Écoute le vent qui vient de la mer Tout rempli de brume et de sel amer Écoute le vent qui descend des monts Et siffle en passant comme des démons Chacun a son nom et tous ont une âme Comme tout pays a son oriflamme Le vent qui descend du nord le mistral A l’impétueux élan du cheval Celui qu’on appelle la tramontane Est aussi sournois qu’un coup de pied d’âne Quand au vent du sud le marin Il sent la lavande et le romarin. Clémentine Beauchamp |
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Petite histoire vécue [ par Brigitte Rochas ]
Mon ami ouvrit le tiroir de la commode de son épouse et en sortit un petit paquet enveloppé de soie. Ceci, dit-il, n’est pas un simple paquet, c’est de la lingerie. Il jeta le papier puis regarda la soie et la dentelle. « J’ai acheté ça la première fois que nous sommes allés à New York, il y a huit ans mais elle ne l’a jamais utilisé ; elle voulait le conserver pour une occasion spéciale. Eh bien, je crois que c’est le bon moment justement… ».
Il s’approcha du lit et rajouta ce paquet à d’autres choses que les pompes funèbres emmèneraient. Sa femme venait de mourir. En se tournant vers moi, il me dit « Ne gardez rien pour une occasion spéciale. Chaque jour de la vie est une occasion spéciale. » Je pense toujours à ses paroles, elles ont changé ma vie. Aujourd’hui, je lis beaucoup plus qu’avant, je nettoie beaucoup moins. Je m’assieds sur ma terrasse et j’admire le paysage sans prêter attention aux mauvaises herbes du jardin. Je passe plus de temps avec ma famille et mes amis et moins de temps au travail. J’ai enfin compris que la vie est un ensemble d’expériences à apprécier. ... Désormais, je ne conserve rien. J’utilise mes verres en cristal tous les jours, je mets ma veste neuve pour aller au supermarché si l’envie m’en prend. Je ne garde plus mon meilleur parfum pour les jours de fête, je l’utilise dès que j’en ai envie. Les phrases du type « un jour » et « un de ces jours » sont bannies de mon vocabulaire. Si cela en vaut la peine, pour moi, je veux voir, entendre et faire les choses maintenant. Je ne suis pas tout à fait sûre de ce qu’aurait fait la femme de mon ami si elle avait su qu’elle ne serait plus là demain, un demain que nous prenons tous trop à la légère. Je crois qu’elle aurait appelé sa famille, ses amis intimes. Peut-être aurait-elle rappelé quelques vieux amis pour faire la paix ou s’excuser pour une vieille querelle passée ? Je pense qu’elle serait allée manger chinois, sa cuisine préférée. Ce sont toutes ces petites choses non faites qui m’énerveraient beaucoup si je savais que mes heures sont comptées ! Je serais contrariée de ne plus avoir vu certains de mes amis avec lesquels je devais reprendre contact un de ces jours…, contrariée de ne pas avoir écrit toutes les lettres que j’avais l’intention d’écrire, un de ces jours…, énervée de ne pas avoir dit assez souvent à mes proches combien je les aime. Maintenant, je ne repousse rien, je ne retarde rien, je ne conserve rien ; je profite de toutes les petites choses qui peuvent apporter des rires et de la joie à la vie. Je me dis que chaque heure, chaque minute, chaque seconde est une occasion spéciale. ![]() ![]() |
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Gazette N°72 - 29 septembre 2011 Découverte de la vendange « Au creux des collines gazouille une belle rivière poissonneuse.
À flanc de coteau dansent les vignobles parfumés. Septembre grésille sous un soleil ardent tandis que le silence impalpable se rompt ci et là pour accueillir les claquements des sécateurs et les ronflements des tracteurs. Les vendanges rassemblent les couples espagnols, les ouvriers polonais, les pauvres bougres cherchant à glaner quatre sous et les jeunes gens forcés de payer leur loyer. Les grappes lourdes de sucre tombent dans les seaux. Les doigts gourds, le dos courbé et le gosier brûlant je comprends pourquoi la vigne est le meilleur symbole du travail des hommes et d'un salaire gagné à la sueur de leur front. Tandis que mes mains gardent la cadence j'imagine le nombre incalculable de bouteilles de vin qui sortiront des caves, garniront les tables -celles des particuliers et celles des restaurateurs. Je me promets de ne plus avaler une gorgée de ce nectar sans penser à ce que j'expérimente durant cette saison. Comme pour toute chose, il y a la croyance d'une part et, l'expérience de l'autre. Tenez, je vois bien mes anciennes collègues, talons aiguilles et rouge aux lèvres, croire que faire les vendanges c'est bucolique, amusant, qu'on boit du matin au soir et que toutes les nuits on s'endort doucement ivres sur les tables ou encore que de jolies dames retroussent leurs jupes fleuries pour écraser sous leurs mignons petons les raisins divinement consentants. Voici comment la croyance brode des idées, façonne des images voire fabrique des dogmes qui peuvent être à dix mille lieues de la réalité présente. Venez et voyez vous-mêmes au cœur de la vigne ce qui s'y passe. [...] » La suite de cette « plume de septembre » de Joëlle Dederix sur son site : http://www.joelledederix.com/biblio-plume.html ![]() ![]() |
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